THE FLORIDA PROJECT | Critique du film de Sean Baker (2024)

Trash et attachant

Moonee a 6 ans et un sacré caractère. Lâchée en toute liberté dans un motel de la banlieue de Disney world, elle y fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins insolents. Ses incartades ne semblent pas trop inquiéter Halley, sa très jeune mère. En situation précaire comme tous les habitants du motel, celle-ci est en effet trop concentrée sur des plans plus ou moins honnêtes pour assurer leur quotidien…

Mickey m’a tué.

Après Tangerine, qui suivait 24 heures de la vie d’une transsexuelle dans les quartiers chauds de Los Angeles, le réalisateur Sean Baker continue de donner la parole à une Amérique marginalisée, celle des laissés-pour-compte pour qui l’american dream n’est qu’une vague expression qui sert à booster les demandes de green card. Après la case Sundance en 2015, c’est à la Quinzaine des Réalisateurs qu’à cette année été présenté son nouveau film The Florida Project, soutenu par une critique enthousiaste.

En plaçant sa caméra dans un motel d’Orlando, à la lisière de Disney World en Floride, Sean Baker confronte une pauvreté faite de petit* boulots et de combines pour survivre au temple de la surconsommation crasse et de l’entertainment vulgaire. Le réalisateur rappelle combien ces motels autrefois destinés aux touristes du parc d’attraction voisin sont désormais le lieu de vie d’une population déclassée. Ici pas de banlieues proprettes et aisées, les voisins sont ceux du Magic Castle ou du Futureland Motel.

Au cœur du récit, Moonee, petite fille énergique et attachante qui s’amuse comme elle peut au milieu de cette no-go zone traversée par l’autoroute et les lotissem*nts désaffectées, et sa mère Halley, à peine sortie de l’adolescence, qui tente plus mal que bien de s’occuper de sa gamine surexcitée et qui a pour seule préoccupation de trouver de quoi payer le loyer hebdomadaire de la chambre. Dans ce semi-chaos, le gérant du motel (Willem Dafoe, toujours excellent) qui, entre fermeté et compassion, s’affirme comme une figure paternelle et s’avère être le seul capable de veiller convenablement sur ces kids vitaminés.

Ne versant jamais dans le pathos, ni cherchant à excuser le comportement parfois répréhensible de Halley, Sean Baker donne à voir le quotidien difficile de cette mère pleine d’amour qui se bat contre une fatalité inéluctable. Évitant l’exercice anthropologique, et grâce à une narration rythmée, le réalisateur livre un film poétique, drôle et insolent. En se plaçant intelligemment du point de vue de Moonee (la petite Brooklyn Prince, incroyable), il montre la désolation de cet univers qui n’effraie pas la gamine et ses compagnons de jeu et qui, face à l’imaginaire interdit d’un Disney aseptisé destiné aux riches, s’est créé son propre Monde. À hauteur d’enfant, la naïveté et l’insolence offrent alors une soupape de décompression face au drame social qui se joue.

Si le titre du film pourrait faire penser à un travail de dernière année d’école de cinéma, et après l’audacieux pari de tourner Tangerine à l’iPhone, Sean Baker s’affranchit ici de tout exercice de style pour proposer un film brut et authentique. Pas besoin de filtres dans tous les sens pour représenter les couleurs criardes de ces motels factices et l’architecture putassière des gift-shops voisins.

Si le Celebration de Kool & The Gang ouvre et ferme The Florida Project, la musique a une place inexistante dans le reste du film. Pour peut-être mieux accentuer le brouhaha permanent qui s’en dégage.

Andrea Arnold nous avait livré avec American Honeyun film d’une puissance émotionnelle rare, porté, lui, par une BO omniprésente. Force est de constater que The Florida Project se place dans sa droite lignée et rappelle que ces rednecks sont décidément passionnants à raconter. Si la société les met au ban, ils peuvent compter sur des cinéastes de talent pour leur rendre hommage et éveiller les consciences. Moins pop et photogénique que son cousin du midwest, The Florida Project s’avère tout aussi attachant, trash et épuisant. Un film d’une énergie contagieuse qui mêle justement drôlerie permanente et dureté du propos, et qui s’achève sur une des plus belles scènes vues cette année au cinéma.

La fiche

THE FLORIDA PROJECT | Critique du film de Sean Baker (1)

THEFLORIDA PROJECT
Réalisé parSean Baker
AvecWillem Dafoe, Bria Vinaite, Caleb Landry Jones…
Etats-Unis–Comédie dramatique
Sortie :20 décembre 2017
Durée :115
min

Remerciements : Le Forum des Images & Club 300

Catégories

2017CritiquesDramaJulian, le chineur cinéphileMade in the US

Tagué

Cannes 2017critiqueDisney WorldQuinzaine des réalisateursSean BakerThe Florida ProjectWillem Dafoe

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